Poudres & Techniques Instrumentales
Qu’elles soient métalliques, minérales, organiques, synthétiques ou naturelles, les poudres sont partout dans l’industrie. On les broie, les transporte, on les stocke, on les met en suspension, en sac, on les mélange, les fonctionnalise, les fritte ou les compresse.
Evidemment, ces traitements occasionnent parfois certaines difficultés : les grains collent entre eux et s’agglomèrent (mottage), ils restent bloqués dans certaines zones de équipements ou abrasent les conduites, les petits grains se séparent des plus gros (ségrégation), etc.
Face à ces sources de variabilités, de non-conformités voire d’arrêts complets de production, les techniques instrumentales sont autant d’outils d’intérêt, à nos yeux souvent sous-exploités, pour comparer, comprendre, contrôler ou anticiper le comportement des poudres en process ou en application.
Nous aimerions dans cet article donner un aperçu des principales approches de mesure physique des poudres en milieu industriel.
Les analyses morphologiques : une vue « statique »
Les analyses granulométriques, du test au tamis jusqu’à la granulométrie laser, visent à déterminer la répartition statistique des tailles de grain (le plus souvent pour les besoins du contrôle qualité). Une exploitation des données en R&D fournit par ailleurs des informations précieuses sur la répartition en volume, en nombre, des différentes populations, utile pour anticiper les risques de ségrégations ou l’impact des procédés de broyage ou de mélange.
Les analyses de forme font le plus souvent appel aux techniques de microscopie (optique, X, électronique, …) pour produire des clichés de l’état de la poudre (forme et texture des grains, arrangements et amas, caractéristiques de surface).
Toutefois, les analyses morphologiques, plutôt statiques, restent limitées pour interpréter la dynamique du comportement des poudres.
Les tests physiques applicatifs : l’approche « semi-empirique »
De nombreux essais semi-empiriques normés sont couramment utilisés pour comparer les poudres et leurs tendances de comportement : densité au repos et après tassement (indices de Carr ou de Hausner), indice de cohésion par compressibilité sous presse, coulabilité en tube de verre, angle de talus, plan incliné, variation de masse après séchage ou humidification (hygroscopie).
L’exploitation croisée de ces indices fournit des indications utiles pour anticiper les comportements en process. Toutefois, leurs domaines de validité sont pour la plupart restreints aux gammes de contraintes proches de celles des conditions de mesure.
Les techniques comportementales avancées : la méthode « scientifico-applicative »
Les techniques comportementales avancées, bien moins répandues, sont essentiellement liées à la mesure des comportements rhéologiques et mécaniques des poudres.
Scientifiquement plus robustes que les approches semi-empiriques, mais plus techniques à mettre en œuvre, les « rhéomètres à poudres », les rhéomètres « standards » équipés de cellules/géométries dédiées aux poudres ou certains instruments ad hoc permettent de paramétrer expérimentalement les contraintes imposées aux poudres (cisaillement, compression, fluidisation, …) et ainsi de quantifier la réponse des poudres par la mesure des principaux paramètres physiques des milieux granulaires : cohésion, friction inter-grain, friction aux parois, compressibilité, aération/désaération, …
Il devient dès lors possible de modéliser l’évolution de la réponse des poudres à certaines variations de contrainte et de l’environnement. La principale limitation de ces techniques, plus onéreuses, est la nécessité d’être formé à leur utilisation et à l’interprétation des données.
Les techniques instrumentales : des leviers pour la performance et l’innovation
En conclusion, les pratiques industrielles réduisent parfois les techniques instrumentales à un instrument de contrôle qualité ou de « pure » R&D. En réalité, les techniques instrumentales comportementales sont particulièrement adaptées aux besoins aux interfaces entre R&D, industrialisation, production et application.
Elles permettent, à travers un corpus de paramètres physiques représentatifs (susceptible de constituer un référentiel commun aux différents services), d’investiguer l’influence des facteurs spécifiques à chaque étape du développement (entrants, traitements, contraintes de process, d’application, …) sans avoir à recourir à la mise en process systématique.
Les techniques instrumentales peuvent ainsi être utilisées comme un outil de screening efficace (des entrants, des produits en cours de développement, des produits à industrialiser, etc.) pour ouvrir des voies d’innovation, réduire les temps et les coûts de développement et gagner en performance process.
L’équipe RHEONIS
Last Updated on 2 septembre 2019 by Vincent Billot